Deux styles... et même plus
Lorsque l'on commence à s'intéresser à la salsa, un petit casse-tête que l'on n'avait pas forcément prévu s'invite : il existe différentes sortes de salsa ! Certains professeurs font une sorte de mélange, ce qui donne en général un gros n'importe quoi et des élèves incapables de danser en soirée avec des personnes d'écoles différentes. Mais après tout, tout le monde ne prend pas des cours dans le but de sortir en soirée (je pense même que moins de 20 % des élèves sont dans ce cas). D'autres professeurs vous proposeront un cours de salsa cubaine ou de salsa portoricaine. Il faut savoir qu'en France, à la différence de la plupart des autres pays du monde, la cubaine est majoritaire. Probablement parce que la salsa est arrivée chez nous par des cubains, parfois arrivés en Europe par l'Espagne, et non par l'influence américaine. Une autre spécificité de notre pays : le terme « portoricaine » n'est pas employé ailleurs et il est même trompeur. Il s'agit du Los Angeles style. Cette précision est importante maintenant qu'arrivent des cours de New York style (dont la principale différence avec le L.A. style est qu'il se danse sur le temps 2 au lieu du 1). Il existe également d'autres styles, mais qui sont très marginaux en France. Et, pour être complet, la salsa cubaine souvent enseignée de nos jours s'appelle en fait le Miami style : elle inclut des mouvements et des figures de salsa portoricaine afin de la rendre plus spectaculaire, plus jolie.
Alors quel style choisir ? J'ai opté moi-même à l'origine pour la salsa cubaine car mon objectif était d'avoir plus de soirées où aller pratiquer, avec plus de monde. Si votre objectif réside dans l'aspect social de la danse de société, je vous conseille la salsa cubaine (à moins bien sûr que vous souhaitiez danser à l'étranger : dans ce cas, choisissez la salsa portoricaine). Si votre objectif est davantage dans l'aspect spectacle, de danser pour le regard des autres, je vous conseille la salsa portoricaine qui est connue pour être plus spectaculaire, gracieuse et jolie à observer. L'inconvénient est bien sûr qu'elle demande davantage de travail. Elle plaira également à ceux qui veulent apprendre une danse de manière méticuleuse afin d'atteindre un haut niveau, car elle est codifiée de manière « carrée » là où la salsa cubaine a presque autant de variantes que de professeurs. Les personnes pratiquant la danse sportive la préfèreront car elle se rapproche plus des danses de salon. Quoi qu'il en soit, si vous êtes parti pour vivre la salsa pendant plusieurs années, il est presque certain que vous aurez envie d'apprendre les deux styles, ne serait-ce que pour ne pas avoir à refuser des invitations à danser. En effet, la plupart des soirées salsa sont mixtes, si bien que les invitations sont parfois sous la forme « Tu danses la cubaine ? Tu danses la porto ? ». Je vous conseille cependant d'attendre 2 ans avant de démarrer l'apprentissage de l'autre style afin de ne pas tout mélanger. On arrive très bien à passer d'un style à l'autre quand on maîtrise déjà parfaitement un style, mais pas quand on découvre aussi bien l'un que l'autre.
La cubaine, c'est convivial
Voir la salsa cubaine comme une danse d'un danseur avec une danseuse est très réducteur et néglige un aspect essentiel de l'origine de la salsa cubaine qui consiste à changer de partenaire pendant une même danse en la dansant sous forme de Rueda de Casino. Cet aspect n'existe pas dans la plupart des autres danses. Changer de partenaire est dans l'ADN même de la salsa cubaine. La rueda consiste à faire danser en cercle plusieurs couples qui doivent exécuter les figures annoncées par un meneur. S'il est compliqué d'en organiser en soirées, vous en vivrez sans doute dans vos cours. C'est un moment particulièrement amusant et dynamique. La salsa cubaine est à mon avis l'une des danses les plus amusantes à apprendre. Vous n'aurez pas besoin d'attendre de savoir faire des choses compliquées pour prendre du plaisir. D'autant plus que son aspect danse de rue, issue de la culture afro-cubaine, laisse une grande place à un style personnel et une libre interprétation. Si vous souhaitez mettre à un moment votre pied à gauche quand il devrait être au milieu, pour peu que ça n'empêche pas votre partenaire d'exécuter son mouvement, personne ne sera en droit de vous dire « c'est faux ». Bien sûr, il faut mieux suivre au début la façon du professeur. Mais très vite vous serez libre de vous en détacher. Cet aspect peut en rebuter certains, qui peuvent avoir du mal à savoir quoi faire surtout si le professeur n'est lui-même pas assez précis et carré dans ses explications. Les professeurs cubains, par exemple, sont de très bons danseurs, ayant appris à danser naturellement depuis très jeunes, mais oublient parfois d'aider les élèves en leur donnant un maximum de précisions. Or nous, les Français, avons souvent besoin de décortiquer dans notre cerveau chaque guidage et mouvement avant de l'exécuter, là où un danseur dit naturel ne se posera pas toutes ces questions. En cubaine, pour peu que vous vous amusiez, souriez, soyez en rythme avec la musique, aucun jury improvisé ne devrait venir vous juger. Ce qui ne sera pas le cas avec des danses dont une partie des pratiquants ont une ambition à la limite de la compétition.
La porto, c'est beau
La beauté est bien sûr subjective, car certains vous diront que la cubaine est plus jolie. Le style propre aux danseurs y est pour beaucoup de toute manière. Et chacun ses goûts... La cubaine a un style plus « afro », près du sol, avec des isolations, des tremblements d'épaules, un déhanché plus prononcé, des figures qui « emmêlent » la danseuse, peu gracieuses mais amusantes... La porto a un style où l'on se tient plus droit, où la danseuse fait plus de tours rapides, et où la danseuse est davantage mise en valeur. En effet, en caricaturant, on peut dire qu'en porto la vedette est la danseuse, alors qu'en cubaine, c'est plutôt le danseur. La cubaine serait davantage macho ? Toutes les danses en couple le sont un peu par définition. Le fait est que nombre de danseuses disent préférer la porto car « c'est plus joli ». Mais ce n'est pas la seule raison qui en fasse une danse intéressante : elle possède une palette de figures plus importante que la cubaine. Bien que la cubaine ait un nombre illimité de figures car permettant d'inventer sans cesse des variantes, ce sont toujours les mêmes mouvements qui reviennent, et certains s'en lassent. La porto permet un apprentissage durant de nombreuses années, ce qui est motivant quand on est passionné par quelque chose. Je tiens également à faire remarquer que, si les danseuses sont nombreuses à pratiquer très bien la cubaine en ayant suivi que peu de cours, voire pas du tout pour quelques-unes, il n'en est pas de même en porto. Ce style ne permet pas de simplement suivre le guidage pour savoir à peu près danser, même si le danseur est excellent. Les filles ont donc besoin de suivre les cours, tout comme les garçons, pour acquérir la technique nécessaire. L'avantage, c'est que les cours en porto sont plus intéressants pour les filles. En effet, objectivement, la plupart des cours dans la plupart des danses s'adressent à 80 % du temps aux danseurs. Pendant ce temps, les filles attendent. Et après, elles arrêtent d'aller en cours.
Si la porto n'a pas la rueda, elle a en revanche les shines. Pendant certains moments, les partenaires se lâchent et font des pas libres en jouant avec la musique (tout en gardant une certaine complicité, il ne s'agit pas d'ignorer l'autre). Si cela peut effrayer quand on débute, c'est un moment de plus en plus apprécié à mesure que l'on est à l'aise sur la piste, si bien que même les danseurs de cubaine intègrent parfois ces moments dans leur danse.
Et la musique
Même si certains disent le contraire, j'affirme que l'on peut danser la salsa cubaine sur de la musique dite salsa porto et inversement. Le rythme est le même. Techniquement, il n'y a pas de souci. Bien sûr cela choque toujours un ou deux talibans de la salsa (chaque style a ses extrémistes, malheureusement, alors que la salsa devrait encourager l'ouverture d'esprit et la tolérance) mais l'important est de danser si vous sentez le morceau et surtout si votre partenaire a envie de danser dessus (il faut toujours s'adapter à la danseuse !).
Toutefois, de fait, vous danserez en majorité sur le style correspondant à votre danse, dans les cours et les soirées où vous irez. Je conseille donc d'écouter quelques morceaux propres à chaque style, afin de déterminer si vous êtes musicalement plus porto ou cubaine. Expliquer la différence musicale est fastidieux, d'autant que chacun des deux styles regroupe lui-même plusieurs genres, par exemple vous entendrez beaucoup de timba en cubaine et de latin jazz en porto. On dit parfois que la cubaine est plus dynamique et que la porto est plus mélodieuse. Il y a également des genres à peu près adéquats pour les deux styles comme la salsa romantica et la salsa colombienne. Vous trouverez ci-dessous une playlist de quelques morceaux que je passais parfois en soirée lorsque j'étais DJ à Grenoble.
Playlist
Saned Rivera - Baila Conmigo (cubaine)
Manolito Y Su Trubaco - El Diablo Colorado (cubaine)
Elio Revé Jr. Y Su Charangon - Agua Pa' Yemaya (cubaine)
Fruko Y Sus Tesos - El Emigrante Latino (cubaine)
Gente de Zona - La Palestina (cubaton)
Mayimbe - Intro (cubaine)
Maraca - Yo Bailo de Todo (cubaine)
Salsa Celtica - Cafe Colando Part II (cubaine)
Los Van Van - Esto Te Pone La Cabeza Mala (cubaine)
Son del Indio - Lo que Sucede Conviene (cubaine)
Berna Jam & Sean Paul - Get Busy (cubaine)
Orquesta Souvenir - Lejos de Ti (porto)
LA 33 - Te Lo Voy a Devolver (porto)
Ruben Blades - Madame Kalalu (porto)
Tabaco Y Ron - Sabor a Melao (porto)
L'Ultimo Bacio - L'Italia Che Balla (bachatango)
Héctor Acosta - Me Duele La Cabeza (bachata)
Julio Iglesias - Como Tu (bachata)
Stella Oliveira - Kulikitaka (merengue)